Discussion
La « discussion » est une part importante du jeu. Les meilleurs joueurs sont des négociateurs chevronnés et utilisent leur talent pour faire basculer la partie en leur faveur.
Négociation
Faire des pactes tactiques avec d'autres joueurs pendant la partie est le cœur de la discussion. Beaucoup de choses peuvent être négociées autour de la table. La clé d'une négociation réussie est de déterminer ce que chaque joueur peut offrir et ce qu'il pourrait désirer. Partant de là, presque tout est négociable à la table.
Certains pactes tactiques sont assez courants :
- Accepter de ne faire qu'un dégât au combat (en utilisant des frappes à mains nues) avant de bloquer une morsure redirigée.
- Ne pas intercepter une action, en général sur la base du fait que l'action ne pénalise pas l'autre joueur.
- Laisser un autre joueur emprunter une carte, comme The Rack ou Powerbase: Montreal.
- Sortir de torpeur le vampire d'un autre joueur; c'est une action dirigée, plus difficile à bloquer.
- Demander à un deck orienté combat de régler son compte à un vampire.
- Accepter d'utiliser Ashur Tablets à tour de rôle pour éviter de s'handicaper respectivement.
Les pactes peuvent concerner quelque chose qui ne sera pas fait plutôt qu'offrir quelque chose. Faire un pacte pour ne pas mordre, ne pas bloquer ou ne pas rusher est souvent proposé à la proie ou au prédateur.
L'insoutenable légèreté des pactes
Il faut garder deux choses à l'esprit concernant les pactes :
- Ils peuvent toujours être brisés, et on devrait toujours être prêt à en briser un ou s'attendre à ce que notre homologue le brise.
- On peut toujours promettre de s'abstenir de faire quelque chose qu'on ne pouvait pas faire de toute façon. Par exemple, un deck de mur peut accepter de laisser passer une action en échange de quelque avantage, alors même qu'il n'était pas en mesure de bloquer l'action.
Les pactes sont importants mais il doivent tout de même être pris avec une certaine légèreté.
Enfin, lors d'un tournoi, les pactes de partage de table sont monnaie courante. Dans ce type de pacte, 2 ou 3 joueurs dominants s'accordent sur une certaine répartition de Points de Victoire en décidant qui éliminera quelle proie. C'est souvent décisif pour la fin de partie.
Information, Désinformation et Réputation
La discussion ne se limite pas à la négociation, il s'agit aussi de manipulation. Plusieurs techniques sont utilisées pour la désinformation et la collecte d'informations. Une tactique répandue consiste à annoncer chaque action que l'on a l'intention d'entreprendre avant de la jouer. Cela a plusieurs effets positifs :
- C'est une manière de collecter l'information sur le jeu des autres : peuvent-ils bloquer, rebondir ou contrer ?
- Cela ouvre une fenêtre de négociation pour pouvoir passer une action et éviter les blocages.
- Cela rend le joueur plus affable en apparence, puisqu'il donne l'impression de chercher l'approbation des autres joueurs avant de choisir son action. En gardant ça à l'esprit, accepter de repousser une action si elle pose problème à un allié peut être un bon coup, ou s'excuser si l'on entreprend une action très aggressive envers un autre joueur. Être avenant est une bonne ressource lors de la partie.
- Cela donne l'occasion de procéder à un peu de désinformation en commentant une action pour tromper les adversaires en ce qui concerne ses effets à long terme ou son importance stratégique pour le deck.
Temps de décision
Le temps de réflexion que l'on prend pour décider de réagir ou de jouer une action est révélateur du contenu de la main. On devrait être attentif au temps de décision des autres joueurs, tout en essayant d'être aussi discret que possible soi-même.
- Le meilleur moyen, mais le plus difficile, pour être impénétrable est de toujours prendre le même temps de réflexion pour chaque action et réaction, même lorsqu'aucune réaction n'est possible. C'est plus facile à dire qu'à faire.
- Une méthode plus simple est de jouer comme si on avait une réaction utile en main quand ce n'est pas le cas. Demander deux secondes pour réfléchir pendant le tour d'un autre joueur pour laisser croire à la présence d'un contre comme Sudden Reversal sans l'avoir en main est un coup bas, mais efficace.
- Le meilleur moyen pour rester de marbre est de décider à l'avance de sa réaction. Par exemple, avec un réveil en main, on peut décider à l'avance de ne se réveiller que si une morsure de plus d'un point est annoncée. De cette manière le temps de réflexion est plus difficile à déceler.
Une autre technique de manipulation concerne la réputation des joueurs à la table. Une poignée de commentaires nonchalants peut avoir un effet considérable. L'idée de base et de choisir une posture assez tôt dans la partie : quel deck est une menace à la table et lequel est une victime. Si les autres joueurs sont d'accord avec cette posture, cela peut avoir les effets suivants :
- La menace sera sous pression et ses alliés hésiteront à faire des pactes avec lui.
- La victime sera plus facilement ignorée par les autre et ratera des opportunités de négociation.
Bien sûr, on devrait toujours chercher à faire profil bas, éviter d'attirer l'attention de la table à soi et ne jamais se présenter comme une menace. La posture doit être exprimée subtilement et toujours de manière plaisante : une posture aggressive a beaucoup de chance de pousser les autres joueurs à agir contre son instigateur et, souvenez-vous, cela reste un jeu et devrait rester agréable pour vos adversaires.
Équilibre de la Table
Négocier sur une table ne se borne pas à parler. Avoir une bonne idée de l'équilibre de la table est également essentiel pour élaborer une stratégie efficace. Selon les places assignées, certains joueurs auront un avantage car les decks joués par leurs voisins sont faciles à contrer ou, au contraire, dans une position désastreuse car ils doivent faire face à un deck pour lequel ils ne sont pas préparés.
Une bonne lecture de l'équilibre naturel de la table est une qualité essentielle. Comme une bonne partie de la discussion sur table consiste à trouver cet équilibre, être capable de lire l'équilibre sans être influencé par les autres joueurs est crucial et dépend de l'expérience et d'une bonne connaissance des archétypes.
Le principe le plus évident concernant l'équilibre de la table est que les deux joueurs «en face de table» sont des alliés naturels. La grande-proie sera souvent prête à aider contre la proie et le grand-prédateur contre le prédateur. Les aider nuira naturellement à la proie ou au prédateur, jusqu'à un certain point.
Au fur et à mesure que le jeu progresse, l'équilibre de la table change : un grand-prédateur fort peut avoir été un excellent allié et aider à neutraliser un prédateur mais, si le prédateur est trop faible, il peut être préférable de l'aider à survivre et l'utiliser comme tampon plutôt que de faire face à un nouveau prédateur puissant à sa place. De manière assez symétrique, on peut de moins en moins faire confiance à une grande proie à mesure que la proie approche de l'élimination.
Saut de mouton
Le saut de mouton, une stratégie exclusivement réservée aux decks de vote, consiste à saper l'influence de la grande-proie avant d'éliminer sa propre proie. C'est une bonne idée quand la grande-proie a une grande capacité de blocage : elle n'aura pas l'opportunité de bloquer les actions de vote non dirigées tant qu'elle ne sera pas la proie ou le prédateur.
On devrait toujours se concentrer sur l'élimination de sa proie. Cela dit, si le prédateur est trop menaçant, certains decks ont la possibilité de jouer à contresens, en effectuant des actions aggressives contre leur prédateur pour l'éliminer avant leur proie. Un contresens complet, en éliminant les prédateurs les uns après les autres pour une victoire à 2 points, est difficile à réaliser : chaque prédateur gagne 6 points d'influence lors de l'élimination du précédent. Cependant, jouer partiellement à contresens pendant une partie, en éliminant ou en handicapant son prédateur pour diminuer la pression, est une vraie possibilité pour certains decks.
Le Continuum Proie-Prédateur
Le Continuum Proie-Prédateur est une notion developpée par Gregory Williams dans son Basic Concepts in Deck Construction. L'idée est que lorsqu'un joueur met la pression à sa proie, les effets se transmettent autour de la table comme une onde et, selon le nombre de joueurs, les conséquences en sont différentes. Observez le diagramme suivant représentant des continuum à 5, 4 et 3 joueurs, où M1, M2, M3, M4 et M5 sont les 5 Mathusalems.
Si un joueur (M1) en position de force (▲) met la pression à sa proie, alors sa proie (M2) doit se concentrer sur la défense (△) et sa grande-proie (M3) est laissée tranquille (▲) et peut mettre la pression à sa propre proie (M4), et ainsi de suite.
Dans une partie avec un nombre de joueurs pair (4 joueurs dans cet exemple), c'est une situation stable : les alliés face-à-face se renforcent l'un l'autre et capitalisent sur leur avantage. Si le nombre de joueurs est impair cependant, la pression revient un tour plus tard sur M1 (tour B).
Cet effet d'onde systémique, même s'il n'est pas aussi tranché en pratique et dépend beaucoup du type de decks à la table, est un bon modèle de l'équilibre de la table. Au passage, il met en évidence à quel point il est important de réussir son coup de grâce dans une situation à trois ou cinq joueurs : si le coup de grâce fonctionne, vous revenez à un nombre pair et à une situation favorable. S'il échoue, vous restez sur un nombre impair de joueurs en ayant mis une grande pression sur la proie. En général, cela signifie que la pression va revenir en force contre vous au prochain tour de table.